Fenêtre sur résidence : lecture au B9
Charlie Bauer est amoureux
Avec Marie-Hélène Goudet et Sylvain Seguin
Note d’intention de l’auteur
Révolution, amour et littérature sont une seule et même chose. Car la révolution suppose les impatiences d’une parturiente, celles qu’éprouvent tous ceux à l’étroit dans le monde et qui savent les promesses de l’Histoire. Si l’Histoire est un brasier où se jettent les hommes, la lumière des flammes est la récompense des révolutionnaires ; ils en oublient même la morsure ardente du bûcher. Et l’amour n’est pas autre chose, qu’un corps qui s’impatiente et s’embrase, gros de désirs, et attend la délivrance par l’oubli de soi dans la retrouvaille de l’autre. Ici encore même embrasement, même tension, même extase. Et puis enfin, la littérature, - l’écriture portée à la puissance -, est le lot des nuques raidies qui refusent de se courber aux tyrannies du réalisme, attendant autre chose du monde, et qui, à défaut de pouvoir attendre, le provoquent et l’enfantent par l’encre et la plume. Il faut déborder du monde pour croire en la révolution, en l’amour en la littérature.
Mais le monde se venge de ceux qui appellent de leurs vœux la barricade, le baiser et l’alphabet. Le monde leur en veut d’être en avance sur lui, d’avoir déjà débordée ses marges et ses frontières. Il se venge par contention et contrainte de corps. Aux révolutionnaires, la surveillance policière, la résidence surveillée ; aux amoureux ces corps trop solitaires dont on rejoue sans cesse la geste du déchirement, de la déchirure et de l’étreinte ; aux écrivains, la damnation des mots qui enserrent de l’extérieur, par contours et allusion l’éblouissance douloureuse des choses.
Or Charlie Bauer a fait vingt cinq ans de prison pour militarisation du politique. Or il y est tombé amoureux. Or, son amour fut professeur de français.
Le projet théâtral « Charlie Bauer est amoureux » vise d’abord à faire vivre cet enfermement du corps comme condition inverse de la libération politique, affective, langagière. Puis paradoxalement, comme lieu de leur affirmation. C’est une histoire d’amour qui se raconte entre un prisonnier politique et son aimée, et cela devient une histoire de prison pour chanter la liberté.
Alain GUYARD
10 octobre 2013