Archives /// 2009/2010

-Le déclic du destin
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Le problème avec moi

L'univers ordinaire de Léo bascule dans l'insolite alors qu'il avale un éclair au chocolat. Cet anti-héros fait le récit inquiétant et férocement drôle de son aventure dans laquelle il perd plusieurs parties de son corps… Quelque temps plus tard, Léo se dédouble et devient Léo et Léø. Après avoir vu Psychose d’Hitchcock, les 2 personnages en 1 s’affrontent dans un rapport dominé dominant…
Larry TREMBLAY compte parmi les auteurs québécois les plus traduits et joués dans le monde entier. En 2006, le Conseil des Arts du Canada lui remet le prix Victor-Martyn-Lynch-Staunton en théâtre pour l’ensemble de son oeuvre. Larry TREMBLAY publie Piercing, un recueil de récits aux Éditionx Gallimard et donne à BAFDUSKA THÉÂTRE les droits exclusifs pour l’Europe du Problème avec moi, qu’il crée en 2007 au Centre culturel canadien, à Paris.

« Sylvain SAVARD réalise une véritable performance qui renvoie le spectateur face à ses questionnements
psychiques. Le rythme soutenu et la voix du comédien tiennent le public en haleine pendant près de deux
heures d’un monologue aussi fantasque que passionnant. A chacun de se demander où sont les limites de notre folie ».
Le Phare de Ré

Un pour tous et tous si seuls

Il y a quelques années, alors que les pans de mon existence s’écroulaient l’un après l’autre à un rythme aussi régulier qu’effrayant, je perdis un jour une dent. Elle se détacha sans douleur, et tomba d’un coup sur mon bureau. Crème et sanguinolente, elle semblait me narguer, me murmurer : « Á présent, c’est au tour de tes bastions intérieurs de s’effondrer… ». Lorsque j’ai découvert Le Déclic du destin de Larry TREMBLAY, j’ai été happé par cette intrigue schizophrénique, mais pétrifié aussi par l’aventure de Léo qui engloutit un éclair au chocolat, et perd… une dent ! Prémisse à une décomposition qu’il dissèque avec acharnement dans un songe éveillé.

Comment restituer la musique de ce texte aussi dense ? Comment parvenir à donner vie à ce monologue foisonnant de mille détails ? Au ralenti d’abord : afin de mettre à nu avec méticulosité chaque ramification de pensée du personnage. Debout et immobile ensuite : comme si le héros se tenait à l’entrée d’un dédale fou et violent qui l’aspire, puis le démembre. Léo est à mes yeux au-delà du mouvement palpitant de la vie. Il est comme anesthésié et transparent entre une chambre solitaire et un bureau monotone qui l’attend au jour le jour. Ou alors peut-être est-il déjà interné ? Condamné à vivre et à revivre son cauchemar à l’infini ?…

Léo combat ses chimères avec l’énergie fantasque d’un Don Quichotte enfantin. Léo lutte contre la paranoïa avec la maniaquerie d’un stratège à l’heure de la débâcle. Léo tangue entre la victoire et l’impuissance. Léo est comme chacun d’entre nous : il se défend comme il peut lorsqu’il perd une dent, une illusion, un morceau de vie, la raison… Le déclic du destin propose un moment hypnotique qui emprunte le rythme des rêves sur lequel planent les accords opaques de Radiohead et d’Angelo Badalamenti lorsqu’il compose pour David Lynch.

C’est en musique que se rejoignent Le Déclic du destin et Le Problème avec moi. Radiohead s’évanouit dans le noir. Laisse la place aux violons frénétiques et stridents de Bernard Hermann dans Psychose. Sous des douches glacées, Sylvain SAVARD alias Léo apparaît avec un pansement sur la joue, une cravate nouée autour de son cou comme la corde d’un pendu. À son bras, un sac en skaï qui n’a l’air de rien.
Le protagoniste s’est totalement dédoublé, et l’enveloppe de l’acteur abrite désormais Léo et Léø qui ont revu le chef-d’oeuvre d’Alfred Hitchcock pour la énième fois. Ils ont passé un moment exaltant et - tels deux siamois - ont éprouvé le même plaisir de spectateurs. Mais peu à peu, leur conversation s’éloigne du film, atteint des rives plus intimes.

Insensiblement, comme une photographie divisée en négatif positif, Léø et Léo se démarquent et s’éloignent. Si Léø affirme sa domination jusqu’à la brutalité physique, Léo rêve de pureté quasi-enfantine. Le premier revendique la marge avec radicalisme. Le second tente en vain d’entrer dans le rang. Les écartèlements psychiques s’engouffrent dans ce déchirement « homosensuel », quasi-fratricide qui trouve sa solution – ou plutôt sa dis-solution - dans un travestissement aussi terrible que grotesque. Ce «monologue dialogué» au rythme vif s’affole pour Léo le dominé et Léø l’écrasant. Les 2 hommes en 1 du Problème avec moi oscillent entre sadisme et avilissement. Ils expriment alors nos contradictions internes, nos élans freinés, nos colères dévastatrices, nos aspirations étouffées, notre impuissance auto-meurtrière… Statue du commandeur ou Lilliputien, le héros de ces deux oeuvres de Larry TREMBLAY évolue dans une zone universelle où il déclare crânement : « Je suis un homme. Seulement cela. Rien d’autre. Et ce n’est pas assez », mais s’excuse aussitôt d’exister en murmurant: « Nous sommes tous des insectes ». N’est-ce pas là notre propre reflet »

Benoit GAUTIER

Théâtre / Theater / Teatro / TeaTp du Bourg-Neuf . 5-7bis rue du bourg-neuf . 84 000 . avignon . france

Tarifs d'entrée :
15€
8€ (étudiants, RMIstes, demandeurs d'emploi, - de 25 ans, titulaires de la carte Off ou du Bourg-Neuf)
8€ (groupes à partir de 8 personnes)

Contact :
Sylvain Savard
Bafduska Théâtre
www.sylvainsavard.com
T. : 09 52 66 19 59

Réservations :
T. : 04 90 85 17 90